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Pour un impôt participatif



La démocratie participative s’étend à un nombre croissant de collectivités locales, des plus petites aux plus grandes. Son succès est durable, mais elle doit encore s’améliorer, en répondant notamment à ceux qui s’intéressent davantage au questions politiques nationales.

A ce sujet je défends depuis 1988 une idée qui fait son chemin au point d’avoir été soutenue par les groupes parlementaires socialistes à l’Assemblée et au Sénat, sous forme d’amendements aux projets des lois de finances 2021 et 2024. Elle consiste à faire choisir aux contribuables l’affectation d’une petite partie de leur impôt sur le revenu à telle ou telle mission budgétaire, à l’occasion de leur déclaration annuelle d’impôts. Cette dernière comprendrait des cases représentant les missions actuelles du budget, telles que l’enseignement scolaire, ou le travail et l’emploi, que le contribuable pourrait cocher. Imaginons qu’il ait choisi la justice : il saurait avoir un rôle dans le fait qu’elle soit correctement rendue. Il s’intéresserait davantage à l’action publique, à laquelle il prendrait avec la réforme une part un peu plus active, et consentirait davantage à l’impôt, dont il verrait mieux l’aspect concret.

Pour ma part j’ai calculé que la proportion laissée au libre choix pourrait s’élever au quart de l’impôt sur le revenu sans remettre en cause les équilibres budgétaires qu’il convient de respecter, ayant été bâtis au fil du temps pour l’intérêt général par les parlementaires et les exécutifs. Cela étant, je me suis rallié à la proposition de Christine Pires Beaune, cheffe de file des députés socialistes sur le budget, d’abaisser le seuil que je proposais de 25 % à 5 % de l’impôt sur le revenu.

Il faut savoir que l’impôt sur le revenu ne représente en France que 25 % des recettes du budget de l’Etat, une proportion qui ne varie guère d’une année sur l’autre. En 2022 la TVA en constituait 29 %, l’impôt sur les sociétés 18 %, etc. (Ministère de l’Economie, « Projet de loi de finances 2024 », 27 septembre 2023.) Les 95 % de l’impôt sur le revenu dont le contribuable ne déciderait pas de l’affectation rejoindraient les 75 % d’impôts non concernés, rendant impossible tout déséquilibre. Même si les contribuables négligeaient la Défense nationale, par exemple, elle resterait financée par les autres impôts. Le seul risque de dérive surviendrait si une proportion démesurée de Français plébiscitait un ministère doté ordinairement de peu de moyens, comme celui des Affaires étrangères. Ce risque, qui pourrait être mesuré par étude d’opinion, est en fait assez improbable, la société française étant trop diverse pour valoriser en masse telle ou telle préoccupation et les expériences actuelles de démocratie participative montrant que tous les citoyens potentiellement concernés ne s’impliquent pas.

Je me contenterais des 5 % retenus par les groupes socialistes pour tester la mesure s’il s’avère qu’il faut en rester là, ce qui permettrait en outre de mieux prendre en compte les objections constitutionnelles exposées ci-après. Je ne peux que saluer la hauteur de vue des députés et des sénateurs socialistes qui ont soutenu la réforme, après Olivier Faure qui m’a soutenu dès 2007, car ils auraient pu craindre qu’elle n’empiète sur leurs responsabilités. Ils ont compris qu’il serait erroné, en l’occurrence, d’opposer démocratie participative et représentative. Même avec ma proposition, seule une majorité élue pourrait continuer à augmenter ou baisser tel ou tel budget et définir le contenu des politiques publiques.

Pour ces raisons, l’objection qui a été opposée à la proposition au Parlement, notamment par le ministre délégué chargé des comptes publics, s’agissant du principe de l’universalité budgétaire et de la non-affectation des recettes aux dépenses, ne tient pas. En effet, la portée volontairement réduite des proportions concernées par l’amendement – 5 % de l’impôt sur le revenu – ne permet pas d’affirmer que ces principes seraient menacés et moins appliqués qu’ils ne le sont actuellement, connaissant déjà des exceptions importantes et bien admises. En outre les autorisations de dépense ne seraient pas indéterminées, ce qui serait préoccupant, mais fixées comme elles le sont actuellement en fonction des besoins réels par le Parlement et l’exécutif, seuls garants de l’intérêt général. Enfin la proposition concernerait les missions budgétaires, et non les programmes, les actions qui les composent ; par conséquent les affectations ne seraient pas précises au point de devoir être censurées. Au demeurant, l’idée ne serait pas non plus soutenue par deux anciens ministres du budget, Eric Woerth et Jean-François Copé, si elle était dangereuse ou impossible. (« Réforme de l’Etat : les douze idées chocs de Woerth et Copé pour améliorer l’action publique », Lefigaro.fr, 29 mars 2021).

Sur le plan technique, la tâche mobiliserait l’informatique des administrations fiscales. Elle nécessiterait peut-être des investissements en la matière, mais pas forcément, car les ordinateurs de Bercy sont déjà habitués à de nombreuses subtilités dues aux cas particuliers et exemptions diverses. En tout état de cause, le coût de la réforme, qui nécessiterait des campagnes de communication, serait modique. Il serait peut-être compensé, grâce à un regain partiel du consentement à l’impôt, par une réduction des contournements de l’impôt qui constituent actuellement un sport national.

Il serait sans doute nécessaire de réécrire ou du moins d’expliquer les noms, parfois peu explicites, de certaines misions budgétaires. Il serait possible aussi de limiter au début de sa mise en œuvre le choix des missions, pour présenter à tous, sans omettre les principales missions, un projet simple et compréhensible.



La CSG aussi, pour les non imposables



Plus de la moitié des Français, qui ne paient pas d’impôt sur le revenu, se trouveraient exclus de la réforme ; c’est pourquoi on ne peut se contenter de la promouvoir en tant que petit privilège à accorder aux imposables comme le font MM. Woerth et Copé. Il serait au contraire possible de l’étendre à la Contribution sociale généralisée (CSG), l’impôt le plus comparable, payé par tous ou presque. On pourrait prévoir pour lui un formulaire, adapté de la déclaration de revenus, permettant aux personnes assujetties à la CSG de choisir une partie de son affectation. Si possible dans la même proportion que celle qui serait choisie pour l’impôt sur le revenu des imposables, par équité.

Dans la mesure où ceux qui paient seulement la CSG ne seraient pas consultés sur l’impôt sur le revenu, il serait logique que ceux qui paient ce dernier ne soient pas consultés sur leur CSG.

La protection sociale ayant un besoin essentiel de la CSG pour son financement, dont 20 % des recettes des régimes de base dépendent (Commission des Comptes de la Sécurité sociale, « Les comptes de la sécurité sociale, résultats 2019 », septembre 2020, securite-sociale.fr), il faudrait sans doute, pour les assujettis à la seule CSG, limiter le choix proposé à une des branches de la sécurité sociale, et non à une des missions du budget de l’Etat. Le choix serait peut-être moins satisfaisant intellectuellement, mais il n’est pas n’interdit d’espérer que cette limitation serait provisoire. Du moins de la part du parti socialiste - et probablement des autres partis de gauche, dont EELV - qui soutient depuis longtemps la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, ce qui permettrait de décloisonner les choix.

André Urban






En vidéo, le débat à l’Assemblée nationale le 12 novembre 2020 au cours duquel Christine Pires Beaune, membre de la Commission des finances, a soutenu la proposition au nom du groupe socialiste : http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9868964_5fad3e0f87209.2eme-seance--projet-de-loi-de-finances-pour-2021-seconde-partie-suite-12-novembre-2020








En vidéo également, la présentation de l’amendement par Yan Chantrel, jeune Sénateur prometteur, en séance du Sénat le 11 décembre 2023 : https://videos.senat.fr/senat/2023/12/encoder3_20231211212921_2_3368289_3399048.mp4








Ma tribune la plus récente sur le sujet est parue dans Libération le 5 mai 2023, et sur son site internet la veille :

source Libération

« En avoir pour mes impôts » : la fausse bonne idée de consultation de Gabriel Attal 




Cette tribune a été cosignée avec Brice Gaillard, secrétaire national au budget du parti socialiste, qui avait cosigné également avec moi une tribune dans Le Monde le 29 septembre 2020 sur le même sujet :

source Le Monde



Cette proposition, l’Agence France Presse (AFP) l’a résumée en un paragraphe dans une dépêche diffusée le 26 novembre 2018, qui a été reprise par de nombreux journaux nationaux ou régionaux. Il s’agissait du paragraphe de conclusion de cette dépêche :

Les "gilets jaunes", symptôme d'une défiance croissante vis-à-vis de l'impôt

Publié le | source AFP
Les "gilets jaunes", symptôme d'une défiance croissante vis-à-vis de l'impôt
Les "gilets jaunes", symptôme d'une défiance croissante vis-à-vis de l'impôt © AFP / FRANCOIS GUILLOT



Une publication dans le quotidien Les Echos les 20 et 21 novembre 2018 m’a permis de préciser que ma réforme pouvait aussi concerner la CSG, tout en alertant sur les problèmes que représentaient le déficit public et les niches fiscales :





De même, une publication sur le site internet de l’Obs m’a permis de présenter en détail ma réforme le 13 octobre 2018 :

source L'OBS

"Il est temps de réconcilier les Français et l’impôt"

(AFP PHOTO / JOEL SAGET )

TRIBUNE.

Par André Urban




Cette proposition, je l’ai résumée en une phrase lors d’une séquence qui est passée dans l’émission Quotidien, animée par Yann Barthès, le 9 mai 2017, sur la chaîne de télévision TMC : https://www.tf1.fr/tmc/quotidien-avec-yann-barthes/videos/panayotis-pascot-cherche-deja-futur-candidat-2022.html.







Si je suis partisan de la démocratie participative, je m’oppose à ce qu’elle empiète sur les pouvoirs de la démocratie représentative, du Parlement et du président de la République. Il ne faut pas concevoir les institutions comme un système de vases communicants où le renforcement d’un des acteurs se fait nécessairement au détriment d’un autre. Ainsi je suis favorable à un renforcement des pouvoirs du Parlement, un rééquilibrage en sa faveur face à l’exécutif, mais je suis opposé à un baisse des prérogatives du président de la République. J’ai développé ces idées dans une tribune parue sur le site de Marianne le 6 juin 2022 :

source Marianne




Ma proposition d’impôt participatif a été retenue et mise en ligne par le site du mensuel économique L'Expansion en novembre 2010 :



Pour un impôt participatif

L'Expansion.com - publié le 26/11/2010 à 15:47

Dans cette chronique, André Urban, docteur de l'université Paris I Panthéon Sorbonne, propose de laisser les contribuables choisir eux même l'affectation d'une partie de l'impôt sur le revenu.
L'impôt sur le revenu représentait en France 19 % seulement des recettes du budget de l'Etat en 2009, une proportion qui varie peu d'une année sur l'autre. La TVA en représentait 47,5 %, l'impôt sur les sociétés 14 %, etc.

Ce constat laisse entrevoir une possibilité de réforme insoupçonnée : laisser les contribuables choisir eux même l'affectation d'une partie de l'impôt sur le revenu à tel ou tel poste du budget de l'Etat sans modifier les équilibres budgétaires ! Le quart, par exemple, de leur impôt sur le revenu pourrait aller à tel ministère, les trois autres quarts rejoignant les 81 % d'impôts non concernés, capables en eux-mêmes de résorber tout déséquilibre. En effet les ministères plébiscités n'ayant plus à être dotés financièrement, l'ensemble du solde se reporterait, par glissement, sur les dépenses non encore financées. Ainsi, même si les Français négligeaient les dépenses de défense nationale, par exemple, leur choix n'aurait pas de conséquences pour les raisons de proportions indiquées.
La déclaration d'impôt comprendrait des cases représentant les grandes missions du budget de l'Etat, tels que l'éducation, la sécurité... ou le remboursement de la dette publique ; cases que le contribuable pourrait cocher. Imaginons qu'il ait choisi la justice : il saurait avoir un rôle dans le fait qu'elle soit correctement rendue. Le seul risque de dérive surviendrait si une proportion démesurée de Français plébiscitait un ministère doté ordinairement de peu de moyens, comme celui de l'environnement, de la culture ou des affaires étrangères. Ce risque, s'il se vérifiait après étude d'opinion, amènerait à réduire la part décisionnelle de chaque foyer fiscal. Chacun d'entre eux déciderait par exemple de l'affectation de moins de dix, ou de moins de cinq pour-cent de son impôt sur le revenu, et non plus du quart. La mesure aurait une portée moins forte, mais le symbole subsisterait.
L'enjeu de la réforme ne serait pas de permettre à une majorité de fausser le budget de l'Etat, au détriment de certaines missions établies depuis longtemps comme allant de l'intérêt général. Elle serait, parallèlement aux missions qui incombent à la démocratie représentative, d'introduire pour le contribuable, qui ne se contente plus aujourd'hui d'être consulté lors d'élections une fois tous les cinq ans, une part de démocratie un peu plus directe. De même qu'un scrutin majoritaire peut tolérer une dose de proportionnelle. La réforme viserait également à réhabiliter l'imposition, y compris pour les plus haut aisés.
Il est vrai que cette possibilité ne pourrait être utilisée par la moitié des Français, celle qui ne paie aucun impôt sur le revenu. Cependant la mesure pourrait être étendue à un autre impôt qui lui, est payé par tous : la Contribution sociale généralisée (CSG) ; en tenant compte du fait que le risque de déséquilibre pour cette dernière, essentielle au financement de la sécurité sociale, est évident. Il existe en fait plusieurs solutions de nature à limiter ce risque. Ainsi, dans la mesure où ceux qui paient seulement la CSG ne seraient pas consultés sur l'impôt sur le revenu, il ne serait pas illogique que ceux qui paient l'impôt sur le revenu ne soient pas consultés sur leur CSG, qui resterait uniquement affectée aux comptes de la sécurité sociale.






Emmanuel Lechypre, rédacteur en chef de L'expansion, responsable de son Centre de prévision, économiste de formation, avait trouvé l'idée très intéressante et m'avait filmé pour passer dans une des rubriques du  journal.
L'article est paru également dans le quotidien Libération (page rebonds) le 13 juillet 2007 :

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L'article est également paru en tant que tribune, notamment, dans L'Hebdo des socialistes le 24 novembre 2007, en tant que contribution au Congrès du PS de Reims de novembre 2008, et dans deux autres publications depuis une première parution dans le courrier des Lecteurs de Ouest France le 23 novembre 1988.
A force de défendre mon idée et grâce à l’intérêt que suscite la démocratie participative, il fallait bien un jour qu’elle soit reprise ou apparaisse dans des programmes électoraux, aussi bien à droite qu’à gauche. C’est ainsi qu’elle a d’abord figuré début octobre 2016 dans le programme de Nathalie Kosciusko-Morizet à la primaire de la droite et du centre, en quelques phrases imprécises sur la mise en oeuvre mais qui indiquaient la proportion que je recommande moi-même : 5 % de l’ensemble des impôts. Le journaliste de La Croix et spécialiste de la fiscalité Mathieu Castagnet faisait la comparaison dans un article de fond paru le 22 octobre 2016 :




Mathieu Castagnet était bien placé pour savoir que je défendais mon idée depuis longtemps, puisqu’il m’avait déjà rencontré avant d’écrire un premier article le 22 septembre 2008 :

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Par ailleurs une idée comparable a figuré dans le programme de Benoît Hamon à la primaire de gauche, consistant à « Donner le pouvoir aux citoyens de décider de l’utilisation d’une partie du budget de l’Etat (5 milliards d’euros) pour de grands projets », avant qu’il ne précise cette proposition dans un sens proche du fonctionnement actuel des budgets participatifs parisiens. Mais ma proposition est plus ambitieuse en termes de proportion tout en s’intégrant au budget de l’Etat et à ses outils actuels, qui sont la garantie d’une plus grande participation.
Libération a également résumé mon idée en rendant compte d’une initiative personnelle qui visait surtout à attirer l’attention sur ma proposition principale :

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