« Au plan national, l’engagement d’un mécanisme participatif en matière budgétaire demeure à imaginer »

On ne peut que constater l’affaiblissement du consentement à un impôt jugé illisible car trop complexe, et injuste car mal réparti, constatent les politistes Brice Gaillard et André Urban, dans une tribune au « Monde », qui préconisent de satisfaire l’exigence de concret et de démocratie des citoyens par l’instauration d’un budget participatif.

Publié le 29 septembre 2020 à 08h00 Temps de Lecture 3 min.

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Tribune. Depuis une vingtaine d’années, on assiste en France, et plus généralement dans les démocraties, à une montée des attentes en matière de participation à la vie de la cité, à la prise de décision politique. Si cette attente a été concentrée, en France, sur l’action publique locale, la crise des « gilets jaunes » a témoigné d’une dimension nationale de ces aspirations. La crise de la participation aux scrutins atteste aussi d’un malaise civique.

De prime abord, évoquer cette question ne renvoie pas à des enjeux financiers. Cependant, dès 1789, le législateur a compris l’importance du sujet. Il est au cœur des articles 14 et 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui n’en compte que dix-sept. Parce que l’argent est un gage de concrétisation, le vote annuel du budget est l’acte principal des politiques publiques. Or, il y a péril en la demeure : on ne peut que constater l’affaiblissement du consentement à un impôt jugé illisible car trop complexe, et injuste car mal réparti.

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Sur le plan local, les budgets participatifs concernent de plus en plus de collectivités, et plus seulement de gauche comme à l’origine, ce qui témoigne du succès de l’idée. Mais au plan national, l’engagement d’un mécanisme participatif en matière budgétaire et/ou fiscale demeure à imaginer.

Une association plus directe des citoyens

Il serait possible, dans le cadre d’un accroissement des prérogatives du Parlement, de doter chaque chambre d’un pouvoir décisionnaire accru en matière budgétaire. Ainsi, pourquoi ne pas réserver une certaine somme à des opérations d’investissement décidées souverainement par chacune des chambres parlementaires ?

D’autres pistes peuvent, en parallèle, être creusées, pour une association encore plus directe des citoyens. L’une d’elles consisterait à faire choisir aux contribuables, de manière certes formelle mais volontariste, l’affectation d’une petite partie, 5 % par exemple, de leur impôt sur le revenu, à telle ou telle mission budgétaire, à l’occasion de leur déclaration annuelle d’impôts.

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Cette réforme ne menacerait pas les équilibres budgétaires. En effet, les 95 % restants de l’impôt sur le revenu rejoindraient les 75 % d’impôts non concernés (TVA, impôt sur les sociétés…) capables en eux-mêmes de résorber tout déséquilibre. Le seul risque surviendrait si une majorité de contribuables plébiscitait un ministère doté ordinairement de peu de moyens, comme celui de la culture ou celui des affaires étrangères, auquel cas il serait difficile de suivre les recommandations citoyennes formulées.

Mais on peut estimer sans grand risque que la société française est trop diverse pour se reporter en masse sur une seule mission budgétaire. Le seuil de 5 % préconisé, qui correspond à 1 % de l’ensemble des impôts, rend quasiment impossible une telle situation. Du même coup, cette réforme éviterait les risques auxquels le législateur a pensé en prévoyant le principe de non-affectation des recettes aux dépenses.

Extension à la CSG

Car les autorisations de dépense resteraient déterminées par les parlementaires et l’exécutif, qui n’auraient aucun mal à veiller à ce que les missions budgétaires ne reçoivent pas plus d’argent que nécessaire, et à ce que les autres impôts financent l’ensemble des dépenses nécessaires. La démocratie représentative resterait maîtresse de l’intérêt général. La proposition répondrait en revanche à un inconvénient du principe de non-affectation qui dissimule aux yeux du contribuable l’intérêt du prélèvement auquel il est assujetti.

Avec cette réforme, le contribuable saurait qu’une partie de son impôt va effectivement, et non pas en moyenne, en théorie, vers telle dépense ministérielle. Une innovation qui peut satisfaire l’exigence de concret et de démocratie des citoyens. Et ôter l’envie aux politiques de fuir en avant en proposant aux électeurs comme seul choix attractif des baisses d’impôts, que l’Etat ne peut pas se permettre dans le contexte actuel. Il faut le dire clairement : la baisse du niveau des prélèvements obligatoires ne peut plus être une option aujourd’hui pour les décideurs publics.

Cette exigence démocratique ne pourra être pleinement satisfaite, à terme, que si l’on ne se contente pas de l’appliquer à l’impôt sur le revenu, qui concerne désormais moins d’un Français sur deux. Pour les non-imposables, il faudrait l’étendre à leur contribution sociale généralisée (CSG), et faire choisir, dans la même proportion (de 5 % par exemple) son affectation à l’un des comptes de la Sécurité sociale. Sans plus de risque de déséquilibre que pour la proposition qui vient d’être présentée. En attendant une fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu, préconisée notamment par le Parti socialiste, qui permettrait un impôt plus juste et plus simple, et décloisonnerait les choix.

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